Risquer sa vie ou risquer la vie ?

Sur la route …

La semaine dernière, sur la route qui m’emmenait chez cette amie dont j’ai parlé la semaine dernière, j’ai vécu deux expériences intéressantes.

Couverture Eloge du Risque

D’abord, j’ai écouté une émission avec Anne Dufourmontelle, une psychanalyste, qui parlait de son livre  Eloge du risque. J’étais passionnée par ce qu’elle disait et en particulier par sa constatation qu’à force de ne pas vouloir risquer SA vie, on oublie de risquer LA vie. Elle expliquait que le « moi », cette part de nous qui craint le risque et cherche à tout prix à tout maîtriser pour nous protéger de tout ce qui pourrait nous arriver, met en place ce que la psychanalyse nomme « névrose » et qui est une façon de passer sa vie à ne pas la vivre.

… des échos …

Vous pensez bien que ça a fait écho en moi ! Moi qui, pour réaliser jusqu’au bout mon projet de départ au Népal et prendre le risque de l’inconnu, ait dû négocier ferme avec toutes les peurs et les risques que mon petit moi frileux et sécuritaire me servait à tour de bras sur un plateau !

Vous pensez bien que ça a fait écho en moi ! Moi qui accompagne des personnes dont le mal-être réside justement dans l’empêchement de vivre une vie en accord avec elles-mêmes parce que leur « moi » inquiet et tout-puissant dirige tout. Des gens qui, pour essayer de se sortir de la pensée totalitaire de ce « moi » ne trouvent pas tellement d’autres solutions que de « passer  par le corps » et développent dépression, burn-out, troubles somatiques, maladies.

Vous pensez bien que ça a fait écho en moi ! Moi qui, comme beaucoup, regarde avec consternation les inquiétudes du « moi collectif » de mon pays être exploitées politiquement à travers un état d’urgence qui dure et une hantise sécuritaire qui cultive la névrose sociale.

… et de la neige …

Neige 2

Mais voilà que pendant que je buvais les paroles de cette dame et en écoutais les échos en moi, la neige s’est mise à tomber. De plus en plus fort, de plus en plus dru. Le ciel s’est obscurci. Je n’y voyais plus grand chose. J’ai deux aveux à vous faire : je ne suis pas une grande fan de la conduite sur neige, – je me débrouille toujours en général pour trouver quelqu’un qui conduise à ma place -, et j’étais partie sans vraiment étudier la route : je connaissais ma destination, mais je ne savais ni là où j’en étais de mon chemin, ni combien de distance il me restait à parcourir.

Pas la peine de vous faire un dessin ! Vous imaginez bien ce qui s’est mis en place : une petite voix qui m’a susurré à l’oreille : « C’est dangereux, en plus la nuit va bientôt tomber, tu vas te perdre et tu risques d’avoir un accident. Fais demi-tour ! ». En écrivant ces mots, c’est drôle, j’ai l’impression d’entendre certaines paroles de certains contes qui apprennent aux petits enfants à ne pas se risquer seuls dans la forêt ! 

… qui m’emmènent vers la vie

Ah zut !  Cette voix qui ne veut pas risquer sa vie m’a si souvent empêché de risquer la vie ! Elle n’aura pas le dernier mot aujourd’hui : j’irai jusqu’au bout, neige ou pas, dérapage ou pas, nuit ou pas … Et j’y suis allée. Et avec beaucoup de plaisir en plus ! Et bien sûre une grande satisfaction … Et quand j’ai raconté cela à mon amie, elle m’a simplement dit : « Il fallait que tu traverses la neige ».

Et vous, qu’avez-vous à traverser pour prendre le risque de la vie ?