Après les attentats de janvier, j’avais espéré ne plus avoir à écrire sur un tel sujet dramatique avant longtemps. Mais il n’aura fallu que 10 mois pour que l’horreur se renouvelle. Moi qui avais rêvé de continuer à vous offrir, aujourd’hui, des petites bribes de paix népalaise …

Et pourtant … 

Il est bien sûr important de manifester notre solidarité envers les victimes et leurs familles : minute de silence, rassemblements, gestes qui viennent du cœur. Que les humains se rassemblent pour manifester leur humanité est indispensable.

Mais il me semble indispensable aussi de continuer à vivre, non pas comme si de rien n’était, mais au contraire avec la conscience que vivre et vivre en sécurité est une chance que nous avons, nous qui vivons dans                  un pays plutôt clément du point de vue sismique et climatique et dans une société plutôt confortable et sécurisée.

Quand la vie n’a ni sens ni valeur …

Ceux pour qui la vie n’a aucune valeur, ceux qui n’ont d’autre raison de vivre que d’être hypnotisés par les paroles de ceux dont la raison de vivre est la violence et le pouvoir, ceux-là cherchent justement à ôter doublement la vie : à ôter la vie des victimes, mais aussi à ôter la vie de tous les autres en les figeant dans la peur.

Je suis atterrée par ces actes barbares. Par la mort qu’ils sèment et par l’inculture, la non-pensée et la désespérance qu’ils manifestent.

… C’est à nous de les lui rendre

Mais peut-être parce que je suis profondément optimiste et confiante, peut-être parce que je rentre de 15 jours de vie partagée avec des gens dont le pays, – ravagé par deux tremblements de terre -, traverse des problèmes politiques importants et subit depuis plus de deux mois un embargo sur les carburants, un pays dans lequel les professeurs des écoles spécialisées dans l’accueil du handicap mental gagnent l’équivalent de 30 euros par mois, un pays pourtant où les gens rient, chantent, sont généreux, aiment la vie et le montrent, peut-être à cause de tout cela, j’ai envie de nous inviter à ne pas nous laisser engluer dans ce qui s’est passé et à rester debout, vivants et conscients de la chance que nous avons dans notre vie de tous les jours.

Vivre pour protester !

C’est pour moi un acte de protestation contre la barbarie que de continuer à vivre, sans peur. A vivre en étant animés par nos inspirations, nos valeurs, nos projets. Les terroristes auront gagné quand nous serons tous pétrifiés par la peur. Les terroristes ont déjà un peu gagné quand nous nous laissons happer des heures durant par la boucle hypnotique des images des télévisions et des réseaux sociaux.

Si ce drame, au lieu de nous paralyser et de nous enfermer dans des barricades sécuritaires, avait le pouvoir nous rendre conscients de l’immense chance que nous avons de vivre où nous vivons et de savourer notre existence avec reconnaissance, en solidarité les uns avec les autres, alors la vie serait plus forte que la mort. C’est ce que je nous souhaite.