Accepter l'insécurité du doute

Avoir la vérité ou être vrais ?

Avoir la vérité

On peut imaginer que penser avoir la vérité est une façon de se sécuriser. Car il est très insécurisant de ne pas savoir, de douter, de se remettre -soi et ses idées- en question, de peser le pour et le contre. Et pour pouvoir soutenir l’insécurité et le doute, on a besoin d’une bonne dose de confiance ! Confiance en soi, confiance en la vie, confiance en les autres, confiance en dieu, confiance en …, peu importe. Une confiance qui nous fonde et nous permet d’affronter les tempêtes sans connaître toutes les réponses. Et en acceptant que les réponses elles-mêmes puissent changer.

Ce qui se passe actuellement en Afghanistan est typique de la certitude de quelques uns de détenir la vérité. Au nom de cette vérité qu’ils croient posséder, ils font taire toutes les autres façons de penser, de voir, de croire, de vivre. Comme cela, ils espèrent se sentir plus en sécurité.

Et dans ces heures terribles que subit le peuple afghan, une des premières actions des talibans pour imposer leur vérité est de s’attaquer à l’art et en particulier à la musique : arrêt de la diffusion de musique à la radio, fermeture des écoles de musique, destruction des magasins d’instruments de musique, chasse aux musiciens, chanteurs, compositeurs et chefs d’orchestre.

Etre vrais

L’art, et la musique en particulier, nous permet d’exercer notre sens critique et d’être en lien avec nos sentiments et nos émotions : j’aime, je déteste, je suis d’accord, je conteste, je suis touchée, ça me laisse indifférente, ça me fait rêver, ça me fait grincer des dents, je me sens vivante, en relation …

La musique nous mobilise dans notre profondeur d’humain, celle qui ressent avant de savoir, celle que Cheng, dans sa Deuxième méditation sur la mort, appelle âme et définit comme :

« quelque chose d’intime, de secret, qui […] est propre [à l’être humain] ; qui comporte son étonnante capacité à ressentir, à s’émouvoir, mais également sa part inconsciente, jamais tout à fait élucidée ; qui, enfoui au plus profond de son être, indivisible, constitue la part même de son unicité. »

La musique, en engageant notre oreille moyenne dans l’écoute, stimule la branche récente du nerf vague, celle qui nous permet d’être un être social, en relation et en sécurité avec les autres, créatif et participatif, même s’il n’a pas réponse à tout !

Etre vrais, ensemble, en acceptant d’être différents

Priver les gens de musique, c’est les couper de leur âme, de leur capacité à choisir, à vibrer, à se sentir reliés. C’est aussi les couper d’une puissante source de tonus et de vitalité. C’est un moyen simple et efficace pour transformer les êtres humains en individus peureux, soumis, fatigués, isolés les uns des autres. Pour les contraindre à subir une vérité affirmée comme La Vérité.

Ce drame qui se joue au loin peut nous aider à prendre conscience de la chance que nous avons d’être en mesure de librement nous laisser vibrer et bouleverser par la musique, la voix, le chant. Et peut nous donner l’ardeur, afin de « soutenir le monde » à notre mesure, de développer notre écoute musicale, notre pratique du chant, d’un instrument, seul ou avec d’autres. Pour donner de la consistance, de l’élan vital, de la solidarité et de la conscience à la société dans laquelle nous souhaitons vivre.

Chanter de tout mon corps, les 25 et 26 septembre 2021

Une occasion formidable de vibrer de tout mon être, avec d’autres, et de cultiver ma capacité à soutenir l’inconnu, le doute, les questions et les rencontres avec les autres différents.

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